De notre envoyé spécial à Tokyo,
Depuis la Grande-Bretagne aux Jeux de Londres, on n’avait pas vu un pays émerger aussi vite au classement des médailles. The ROC, 50 breloques, dont 12 en or, bien calé dans la roue de la Grande-Bretagne. La première fois, on a cherché brièvement. République Ougandaise de Centrafrique ? Mouais. Régime ouvrier de Corée du Sud ? Bof. Rassemblement des Ouzbékistanais catalans ? Ça sonne bien, mais toujours pas. Bon sang mais c’est bien sûr : Russian Olympic Committee. Une belle escroquerie pour inviter la Russie en soirée, mais en la faisant rentrer par la porte de derrière.
Rappel des faits : gaulés par la patrouille après les JO de Sotchi, où des barbouzes du FSB se chargeaient d’échanger les échantillons des athlètes qu’ils savaient dopés, les Russes ont été privés de dessert pour quatre ans. Enfin les quatre ans se sont transformés en deux, avec la possibilité pour ceux qui n’ont pas été convaincus de dopage de concourir sous bannière neutre, parce que bon, il fallait prendre en compte « le besoin de promouvoir un changement de culture et d’encourager la prochaine génération d’athlètes russes à participer à un sport international propre », selon le TAS.
Un survêtement identifiable au premier coup d’œil
La réalité, maintenant. Personne n’est dupe. Mais alors personne. Mention spéciale aux couleurs du survêtement, un blanc bleu rouge un peu vintage qui a dû être copié sur une tenue officielle des années 1990, de celles que portait Boris Eltsine quand on le sortait du Kremlin pour un match de Coupe Davis. Une présence assumée et même revendiquée — on sait qui on a en face à 50 mètres — qui rendent un peu ridicules les mesures cosmétiques prises par le CIO.
Ce dernier a refusé que la chanson Katiusha ne remplace l’hymne russe, Moscou optant finalement pour le Concerto pour piano numéro 1 de Tchaïkovski, pas moins lié à la culture du pays. Il y a aussi cette histoire de maillots de bains envoyés à la benne à cause de la présence d’un ours en blason, ce qui n’a pas manqué de faire réagir une huile de la fédé russe sur le thème « on trouve des ours partout, même aux Etats-Unis ». Bref, on rigole de ce maquillage grossier, les athlètes un peu moins.
Le premier à dégoupiller l’autre jour s’appelle Ryan Murphy, nageur américain détenteur des deux titres olympiques sur 100 et 200 m dos à Rio. Un peu vénère d’avoir été battu par le représentant du ROC Evgeny Rylov sur les deux distances au Japon, le garçon s’est lâché en zone mixte : « Il me vient environ 15 pensées, dont 13 qui me causeraient pas mal d’ennuis […] C’est un énorme poids mental pour moi de nager toute l’année dans une course qui n’est probablement pas propre, mais c’est comme ça. » Episode 2 avec Lilly King, une autre nageuse américaine, dimanche : « Il y a beaucoup de gens qui ne devraient pas être ici. Au contraire de Ryan, je n’ai couru contre personne issue d’un pays qui aurait dû être exclu et qui à la place à reçu un petit coup de règle sur les doigts et juste été forcé de changer son drapeau. » BIM.
Les critiques des nageurs américains
C’est évidemment remonté aux oreilles de Rylov, qui a juré la main sur le cœur que tout ça ne le concernait pas : « Du fond de mon cœur, je plaide pour un sport propre. Je suis toujours testé et je remplis tous les formulaires nécessaires. Je dédie toute ma vie à ce sport, donc je ne sais pas comment réagir. Ryan ne m’a pas accusé personnellement, donc je préfère ne pas réagir à ses propos. »
Si les représentants du comité olympique russe ont choisi de la jouer profil bas en natation, un sport largement dominé par les USA, ils ne rencontrent pas la même méfiance dans d’autres disciplines. Ainsi à l’escrime, on est tombé sur notre collègue de Sport-Express Dimitry Kuznetsov, qui cherchait désespérément un officiel tricolore pour réagir à une déclaration de Cécilia Berder qui a fait parler à Moscou. La sabreuse aurait accusé les Russes, tombeuses des Bleues en finale, d’être des « truqueuses ». Un malentendu qu’on dissipe immédiatement puisqu’on était là pour recueillir ladite réaction. Berder évoquait la faculté de ses adversaires à casser le rythme de l’assaut au bon moment. Rien à voir avec le dopage.
Dimitry, dans un français tout à fait décent, alpague tout de même Pierre Guichot. « La présence de la délégation russe est-elle un problème pour vous ? » Réponse du directeur des équipes de France : « Moi je suis content que tous les tireurs soient là, parce que rien ne prouve ce dont on les accuse. J’en connais certains depuis longtemps. Je prends le cas de Sofia Velikaya que je connais depuis 2005, quand elle faisait finale contre une de mes tireuses. Tant qu’ils sont là c’est bien, et s’ils n’avaient pas été là, les Jeux auraient été tronqués. Tout le monde peut avoir son opinion là-dessus, mais pour moi c’était une bonne chose que tout le monde soit là. »
En escrime, « les Jeux auraient été tronqués s’ils n’avaient pas été là »
Pourtant, les Bleus de l’escrime pourraient l’avoir mauvaise, alors que l’équipe du comité olympique russe les a battus deux fois sur trois en finale par équipe. Mais Bruno Gares, le président de la Fédération française d’escrime, préfère prendre une photo souvenir avec Stanislas Pozdyakov, le président du comité olympique russe, plutôt que de vilipender. Pozdyakov, ancien champion olympique de sabre, a réagi officiellement aux persiflages divers sur ses athlètes : « Les critiques prétendent que nos athlètes ne peuvent pas performer sans dopage, mais ceux qui sont à Tokyo démontrent le contraire, pas seulement avec les mots mais avec leurs résultats. »
Un commentaire qui a fait rire jaune Travis Tygart, le patron de l’agence antidopage américaine : « La Russie et ses dirigeants sportifs ont assombri le ciel au-dessus d’eux, et ils ont poussé leurs athlètes dans la tempête. Aujourd’hui, ces mêmes dirigeants veulent continuer à mentir, à nier et à attaquer ceux qui ont le courage de s’opposer à leur tromperie et à leur mépris flagrant des règles et de la vérité. » A Tokyo, presque tout le monde fait semblant d’avoir oublié.
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