Avocat du policier impliqué dans la procédure, Laurent-Franck Liénard l’avait lui-même reconnu juste avant l’audience : « C’est une affaire d’outrage à deux balles comme on en plaide 150 par an ! » A ceci près qu’elle concernait Taha Bouhafs. Et que le militant antiraciste et journaliste ne s’est pas gêné pour faire de son procès une tribune pour dénoncer les violences policières en France. Jugé le 10 mars pour « outrage » et « rébellion », il a finalement été totalement relaxé par le tribunal judiciaire de Créteil (Val-de-Marne) ce mardi.
Les faits remontent au 11 juin 2019. Ce jour-là, Taha Bouhafs filme avec son téléphone une manifestation de personnes sans papiers devant les locaux de la société Chronopost, à Alfortville, quand un incident avec Maxime Demaire, un policier de la brigade anticriminalité, éclate. Plaqué au sol et interpellé, le journaliste se retrouve avec une épaule déboîtée qui lui occasionne dix jours d’incapacité totale de travail. Mais il est accusé « d’outrage » et de « rébellion » pour avoir qualifié le fonctionnaire de « racaille de flic ».
Click Here: International football tracksuitLe policier avait « oublié » son brassard
Lors de l’audience, Taha Bouhafs avait fini par reconnaître avoir utilisé le mot « racaille » tout en expliquant qu’il ignorait la qualité de son interlocuteur. De fait, les nombreuses images de l’altercation avaient montré que celui-ci ne portait pas son brassard estampillé « police » comme l’exige pourtant la procédure. « Un oubli malheureux », avait-il glissé avant de passer un très mauvais moment à la barre.
Dans une totale inversion des rôles, c’est en effet Maxime Demaire qui s’était retrouvé à devoir répondre aux accusations de Taha Bouhafs et de son avocat, Arié Alimi. Pourquoi s’est-il permis de le tutoyer lors de l’arrestation ? « Parce que c’est un jeune local… » Ça veut dire quoi « un jeune local » ? Et pourquoi la brigade anticriminalité utilise-t-elle encore l’expression « de type nord-africain » pour désigner certains suspects ?
dans la catégorie je m’enfonce en croyant me défendre : https://t.co/VCOSGKQJ19
— garlic woman (@turbomeuf) March 10, 2021
A toutes ces interrogations, la présidente du tribunal avait ajouté une question essentielle : pourquoi les faits visibles sur les images ne correspondent-ils pas à ce que le policier avait inscrit dans son procès-verbal ? Visiblement mal à l’aise par la tournure des événements, Maxime Demaire avait alors lâché la phrase de trop. « Je comprends même pas qu’on doive se justifier et s’expliquer autant sur le fond et la forme. Cela me dépasse un peu. Je dois dire que dans ma carrière, j’ai déjà fait des choses bien plus graves. Et je n’ai pas dû me justifier autant… »
L’avocat de Taha Bouhafs réclame des poursuites contre les policiers
Contacté par 20 Minutes, Arié Alimi, l’avocat de Taha Bouhafs, se réjouit évidemment de la relaxe de son client. Et voit déjà plus loin. « Le parquet avait requis une peine d’amende de 700 euros. Il n’a pas été suivi. Nous attendons donc de voir s’il fait appel, indique-t-il. Ensuite, nous attendons surtout que des poursuites soient engagées contre les policiers impliqués dans cette affaire pour des faits de violence et de faux en écriture publique. »