Après avoir enchainé plusieurs comédies romantiques, changement de registre pour Sophie Marceau, qui est cette semaine, la tête d’affiche de La Taularde d’Audrey Estrougo, un film choc dans une prison pour femmes. Rencontre avec la comédienne.

AlloCiné : Au moment de promouvoir Tu veux ou tu veux pas de Tonie Marshall, votre précédent long métrage, vous aviez confié avoir envie de projets qui vous bouscule un peu ? Esct-ce ce rôle pour La Taularde fait partie de ce processus ? C’est la concrétisation de ça ?  

Sophie Marceau : Oui, c’est une rencontre. J’avais beaucoup aimé le premier film d’Audrey Estrougo [Regarde moi, sorti en 2007], je trouvais qu’il y avait une jeunesse, un savoir faire, du cinéma et en même temps elle est très engagée socialement… J’ai eu envie de travailler avec elle, et quand elle me parlait de La Taularde, de la prison, je me disais “voyons ce qu’il y a dans le ventre du film”. Elle m’a parlé de ce personnage, Mathilde, du fait divers dont le film est tiré… Il y avait dans ce personnage une dimension très romantique d’un acte fait par amour, pour la dimension cinéma, et puis, il y avait la dure réalité de ce milieu carcéral que je ne connais pas.

Je n’ai jamais souhaité rencontrer ce milieu. On nous propose parfois d’aller dans les prisons, mais ça me fait peur. Quand je dis ça me fait peur, c’est à dire que c’est vrai qu’il y a une telle misère humaine, une telle difficulté, une telle brutalité dans ces endroits -je ne parle pas des gens, je parle de la prison-, de l’enfermement, que ça me fait peur. C’est trop d’émotion, c’est trop, trop… Et là, nous, très hypocritement, les gens du cinéma, on peut quand même aborder des sujets sans les vivre complètement.

Mais du coup on s’en rapproche. On peut aussi être un peu le messager, en toute humilité, de gens qui méritent que l’on parle d’eux aussi. Ce sont des lieux oubliés, des endroits totalement fermés au monde, et on oublie qu’il y a des gens qui y vivent. C’est intéressant, c’est même très dense, très riche, humainement parlant. J’ai rencontré des actrices formidables et qui racontent des destins durs, terribles. Mais c’est vrai que j’ai envie de me confronter à des choses un peu comme çà, où l’on se déshabille au propre comme au figuré, où l’on se met à nu. Il y a de vrais et de fausses risques dans la vie. Je trouve qu’elle, ce qu’elle a fait est juste dingue, et ça nous perturbe un peu dans notre petit confort. 

Quelle a été votre préparation pour le rôle ?

On s’est préparé beaucoup avec Audrey [Estrougo], Benjamin [Siksou], mon fils. On a fait beaucoup d’improvisations pendant un mois ou deux, avant le tournage pour installer une relation, pour comprendre ce qu’il s’est passé dans la tête de cette femme, parce qu’après on ne fait plus vraiment de psychologie. Une fois qu’elle est dans la prison, elle doit survivre. Mais qu’est ce qu’il s’est passé avant ? Qu’est-ce qui l’a menée à ça ? Comment a-t-elle annoncé ça à son fils ? Comment ça l’a changée ? Comment s’est-elle organisée ? Est-ce qu’elle a fait son petit bagage avant de partir ? Est-ce qu’elle a hésité ? On est passés par toutes ces impros dirigées, et c’était vachement bien car on peut complètement se laisser aller, l’imaginaire, le destin, le rapprochement avec cet acteur que je ne connaissais pas mais qui est censé être mon fils.

Je trouve ça génial parce que j’ai l’impression de prendre des raccourcis avec les gens. Je ne le connaissais pas, et trois heures après, on vient de vivre 20 ans d’une vie, d’une relation mère-fils. J’apprends plein de choses. Ca déclenche en soi des émotions, des sentiments qu’on met parfois un peu dans le placard quand on est dans la vie. On n’a pas le temps, la place, de les exprimer. Là, on est dans une urgence, un danger, un truc fou… Comment on réagit dans ces moments-là…

Quels sont vos projets ? Préparez-vous un troisième long métrage en tant que réalisatrice ?

On est en phase de travail, d’écriture. Quand ce sera le moment, on en parlera. Ca fait un petit moment que je n’ai pas tourné [en tant que comédienne]. Je n’avais pas de désir, je n’avais pas envie. Et puis, c’est certainement parce que je devais écrire. Ecrire, ça prend aussi beaucoup de temps et d’implication. J’adore ça. 

La bande-annonce de La Taularde :

La Taularde Bande-annonce VF

 

Propos recueillis au Festival du film francophone d’Angoulême 2016