Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, les papas de Valérian et Laureline bientôt adaptés au cinéma par Luc Besson, étaient présents au Comic Con Paris ce vendredi 21 octobre. Morceaux choisis d’une masterclass passionnante.

Bien connus des bédéphiles et des passionnés de science-fiction, le scénariste Pierre Christin et le dessinateur Jean-Claude Mezières ont révolutionné le genre et participé à l’émergence du space-opera à travers les 23 albums des aventures de Valérian et Laureline. A l’occasion du Comic Con Paris 2016 et de la sortie prochaine de l’adaptation cinéma Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson, les deux complices, à l’oeuvre sur cet univers foisonnant depuis son apparition dans le journal Pilote en 1967 et aujourd’hui au travail sur un 24e album, sont revenus sur la genèse de leurs agents spatio-temporels, leurs méthodes et leur relation au cinéma.

L’histoire de la page 52

En avant-programme de leur masterclass, évidemment passionnante, le Comic Con Paris proposait la projection d’une pépite documentaire, L’histoire de la page 52 d’Avril Tembouret, décryptant la création d’une page de l’album Souvenirs du Futur, du scénario jusqu’aux planches définitives. Un album (le 22e) qui, dans son intégralité, demandera trois ans de développement à Christin & Mezières.

Durant sept jours de travail, du 29 mars au 15 avril 2013, on découvre ainsi deux adeptes d’un “artisanat absolu”, dont un Jean-Claude Mezières traqueur du dessin (“J’aime beaucoup avoir fini un dessin. L’attaquer ça fait mal au ventre.”), chantre de la simplicité, de la spontanéité, de l’exigence… et de l’auto-validation, au point de jeter à la poubelle deux jours d’un crayonné pourtant magnifique pour un problème de mise en scène. Pierre Christin, lui, parle d’un duo ayant “l’art de se penser réciproquement”, afin de toujours servir la vision de l’autre et surtout la narration graphique, vitale à toute BD. Avec en tête cette idée permanente : “Le prochain album sera mieux”. Une petite leçon de création en somme.

 

Morceaux choisis

“Je vis dans ce monde depuis plus de cinquante ans. Nous avons été dépassés par notre création. C’est un univers en expansion, avec toujours plus de planètes, de races, d’aliens… C’est de plus en plus difficile à écrire, car il faut que tout cela reste cohérent”. Pierre Christin

“J’ai été ébloui par le premier Star Wars en 1977. Je me souviens m’être dit ‘On dirait du Valérian’. Et puis j’ai trouvé des rapports très proches à partir du deuxième puis du troisième film. Je laisse chacun se faire son avis… Moi, j’ai écrit à George Lucas mais il ne m’a jamais répondu. (…) Après, je ne suis pas là pour distribuer les bons points. Star Wars a fait évoluer le space-opera et tant mieux. Le film a amené plus de gens vers Valérian”. Jean-Claude Mezières

“Valérian a sans doute influencé d’autres oeuvres, mais c’est en même temps un enfant de la SF américaine écrite dans les années 50 et 60. C’est là que cette idée d’univers foisonnant mais logique se développe, avec cette envie de raconter des mondes et des sociétés d’une grande complexité. Ces livres, et une série comme Star Trek, ont nourri notre imaginaire. Tout le monde doit donc un peu à tout le monde”. Pierre Christin

“Nous n’avons pas travaillé avec l’équipe du film de Luc Besson. C’est univers sur lequel nous avons déjà travaillé, donc si nous avions été impliqués, nous aurions fini par bégayer en quelque sorte. D’autant qu’ils avaient déjà énormément travaillé sur cette adaptation, selon la vision de Luc Besson. C’est son film, pas le nôtre. Et de ce que j’ai pu voir, c’est vraiment du Valérian. Pour le grand écran et pour des millions de spectateurs, mais c’est du Valérian. On retrouve l’esprit de notre BD, avec la vision de Luc Besson”. Jean-Claude Mezières

“Ce n’est pas forcément une bonne chose d’impliquer les créateurs d’une BD sur un film. Le cinéma et la BD sont des métiers très différents, et des dialogues de BD ne sont pas des dialogues de cinéma. Par ailleurs, un auteur est souvent trop gardien du temple. Mieux vaut faire comme les scénaristes d’Hollywood : take the money and run !” Pierre Christin

“Sur le tournage, nous avons pu faire une bise à Laureline et dire bravo à Valérian. Au début, je n’ai vu que des acteurs sur un plateau. Mais une fois la scène mise en place et le tournage lancé, on reconnaît nos enfants. J’ai vraiment vu Laureline quand Cara Delevingne est venu me faire la bise. Et j’ai adoré ! (Rires)” Jean-Claude Mezières

Valérian est le film dont Luc Besson a toujours rêvé

"Valérian est le film dont Luc Besson a toujours rêvé"